Grand Prix du Jury à Cannes 2017

 120 battements par minute

Un film réalisé par Robin Campillo avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel dans les salles à partir du  23 août 2017.

Scénariste et réalisateur confirmé, Robin Campillo connait sa première sélection en compétition avec ce film bouleversant sur le mouvement Act Up dans les années 80.

Le synopsis: Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean qui consume ses dernières forces dans l’action.

 La bande-annonce
La critique

De son propre aveu, Robin Campillo a mis de nombreuses années à s’attaquer à ce sujet très personnel – il a lui-même milité pour Act Up -, par peur d’affronter ses propres souvenirs et de ne pas être à la hauteur de ses compagnons de route disparus trop tôt. Comment raconter l’indicible, le sacrifice d’une génération de jeunes homosexuels dans les années 80 sans paraître démonstratif ? Le dernier discours de Sean lors d’une réunion hebdomadaire de l’association tient de la note d’intention : «nous ne voulons pas mettre un tel ou un tel en prison, nous voulons la justice». Et c’est précisément ce que fait le cinéaste, il rend justice à ces femmes et à ses hommes qui se sont battus pour que les services publics se saisissent de la gravité de la situation sanitaire, qui ont affronté les lenteurs à visée commerciale des grands laboratoires pharmaceutiques.

Tout cela est formidablement raconté, avec un savant équilibre entre l’intime et le politique, le «réalisme» et le didactique. Robin Campillo est le grand scénariste de la prise de parole en public, comme il l’avait démontré sur «Entre les murs» de Laurent Cantet et les scènes d’agora parviennent à ne jamais être répétitives mais passionnantes, avec le sentiment qu’il s’y joue quelque chose qui dépasse même la cause d’Act Up, la frontière entre l’action et la représentation, l’engagement et la médiatisation. Plutôt que d’être un film à thèse façon «Erin Bronkovich» -, «120 battements par minute» est une chronique précise et parfois désespérée de la lutte contre le temps et la mort qui rôde de jeunes gens dont le seul tort est d’avoir aimé trop fort et trop vite.

C’est parfois trivial comme peut l’être la vie, chargé de détails sur le quotidien d’un séropositif comme rarement le cinéma a osé le montrer, sans jamais sombrer dans le sordide et le pathos. La beauté universelle du film tient dans cette pudeur, jusque dans la mise en scène qui s’efface totalement derrière son sujet sauf pour quelques scènes en boîte de nuit qui permettent quelques respirations au récit. «Mince», réagit la mère de Sean à la mort de son enfant. Un simple mot qui résume tout quand on s’attend au pire depuis des semaines et des mois. Beaucoup de cinéastes aurait entonné là le Lacrimosa du Dies Irae pour emporter définitivement la partie mais ce n’est pas l’ambition de Robin Campillo, qui préfère respecter les morts et réconforter les vivants. Il révèle aussi une troupe d’acteurs – Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Antoine Reinartz -, une «constellation» d’étoiles qui ne seront pas filantes.

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