TRAITEMENT CONTRE LE COVID-19 : LA LUTTE CONTRE LE SIDA MONTRE QUE L’ÉTHIQUE ET LA RIGUEUR SCIENTIFIQUE SONT LES MEILLEURES ALLIÉES CONTRE LES PANDÉMIES
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L’emballement médiatique pour une stratégie thérapeutique a existé dans l’histoire du sida. Parfois pour le meilleur, parfois pour le pire. AIDES appelle à la plus grande prudence face à des potentielles pistes de traitement invalidés par les chercheurs-euses.
Le génie seul contre tous n’existe pas, pas plus que le complot de tous contre un seul. Ce qui est efficace c’est la démarche collective et la discussion argumentée. Parmi les enseignements à retirer de l’épidémie de sida, il y a la place des malades dans la définition des stratégies de recherche à mettre en œuvre et des stratégies thérapeutiques à recommander.
À chaque fois, la leçon à en retirer est que le travail collaboratif, entre les citoyens-nes concernés-es et les associations expertes, les soignants-es, les chercheurs-ses, ont permis de s’assurer que ce qui pouvait être une intuition de clinicien-ne s’est révélé être une stratégie essentielle pour les personnes. Faire autrement c’est perdre un temps précieux, comme d’utiliser les médias en lieu et place de la validation des autres chercheurs-euse.
Il y a eu l’exemple de la Cyclosporine en 1985 ou la pression de soignants-es et chercheurs-ses sur les décideurs-euses politique a conduit à un emballement médiatique aussi vite retombé, car sans suite sinon le décès des malades traités.
L’application de stratégies efficaces est parfois retardée de plusieurs années quand les premiers essais qui veulent vérifier les hypothèses ne sont pas montés de manière rigoureuse. Cela est vrai pour la Prep, aujourd’hui à l’efficacité prouvée et validée par la recherche en 2014. Au début des années 2000, les premiers essais élaborés étaient éthiquement inacceptables et méthodologiquement bancals. En 2004 les premiers essais ont dû être interrompus. Des années ont été perdues.
En 2012, l’intuition de l’allègement des thérapies antirétrovirales a nécessité la mise en œuvre d’un protocole rigoureux. Il s’agissait de montrer que l’on pouvait prendre moins de comprimés pour le même bénéfice thérapeutique. Il a fallu reconstruire un projet de recherche après un premier essai, montrant la pertinence et l’efficacité d’alléger le traitement, sans porter préjudice à l’efficacité. L’intuition était juste, la méthode a dû être reprise et consolidée pour le montrer.
Le cas présent avec des informations sur un traitement pour le covid-19 est un cumul de ces situations. Une urgence nationale, encore plus aigüe que pour le sida, conduit à un emballement médiatique. Une stratégie thérapeutique, peut être juste et décisive, conduit à publier des données dont le recueil ne permet de conclure à rien. Il faut donc recommencer.
« L’étude dirigée par Didier Raoult ne respecte ni les bases éthiques ni la rigueur d’un essai clinique. Les imprécisions et les ambiguïtés sur les conditions de son déroulement la rendent inexploitable en l’état. Il nous est aujourd’hui impossible d’interpréter l’effet décrit comme étant attribuable au traitement par chloroquine » a déclaré Dominique Costagliola, directrice adjointe de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique, Sorbonne Université et administratrice de AIDES.
Il faut donc veiller à ne pas susciter des espoirs trop grands, allant au-delà des conclusions que l’on peut tirer des données.
Il faut aussi tout tenter, et pas une seule option, d’où l’essai européen où le choix de l’hydroxychloroquine est une hypothèse valable à tester parmi d’autres. Les autres voies thérapeutiques ne sont pas à négliger dans cette recherche. Les personnes séropositives au VIH et immunodéprimées sont susceptibles d’être parmi les plus exposées au risque covid-19, comme toutes les autres personnes vivant avec des pathologies chroniques.