Le sida n’est pas terminé, moins encore le VIH ; revue des phrases-clés de l’IAS 2017 qui illustrent cette non-fin:
extrait de l’article de GillesPIALOUX
Difficile de se faire une idée entre craintes et espoirs, entre “cure” et traitement à vie, entre stigma et banalisation, entre prévention et traitement, entre PreP et vaccin, entre maladie chronique et crise aiguë, entre STR et dual therapy, entre multithérapie quotidienne et allègement, entre liberté individuelle et notification des partenaires, entre PrEP VIH et IST non VIH… Et de savoir si cette IAS 2017 nous offre quelque chose que l’on peut rapporter dans sa consultation, son laboratoire, son association, son équipe de recherche, ou dans sa vie avec le VIH. Même si l’on sait parfaitement que l’IAS est avant tout une tribune politique.
Revue des phrases-clés.
Il s’agit de la deuxième fois, après 1986 et 2003, que la France accueille cette conférence. La France est en effet un acteur historique de la lutte contre le VIH/sida, une de nos priorités dans le domaine de la santé mondiale. Ainsi, notre pays est le deuxième contributeur du fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme derrière les États-Unis. Depuis la création de ce fonds, le total cumulé de notre contribution a atteint 4,8 milliards de dollars. Cette première conférence mondiale depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir s’est donc légitimement tourné vers l’Amérique. “Les Américains représentent un financement essentiel dans ce domaine et nous avons besoin qu’ils restent engagés”, a déclaré en ouverture la chercheuse Linda-Gail Bekker de sa voie fluette, présidente de la Société internationale du sida (IAS), qui coorganise la conférence avec l’agence française ANRS.
Dans le cas contraire, cela se traduirait par des morts et de nouvelles contaminations, a-t-elle averti : “Des coupes draconiennes dans la recherche et le financement de la lutte contre le sida seraient une catastrophe que nous ne pouvons pas nous permettre”. L’an dernier, les États-Unis ont consacré 4,9 milliards de dollars (4,2 milliards d’euros) à des programmes de lutte contre le sida, très loin devant le Royaume-Uni (645,6 millions) et la France (242,4 millions). Si les coupes annoncées par Trump sont adoptées par le Congrès, elles priveront 830 000 patients − essentiellement Afro-Américains − d’antirétroviraux, traitements qui empêchent le développement du virus, estime la Kaiser Family Foundation. Elles entraîneront en outre 200 000 nouvelles infections, prévoit cette ONG américaine.
Le coût d’une année de traitement dans les pays à faible revenu varie de 75 euros à plus de 1 000 euros lorsque le traitement de première intention n’est pas efficace, car il arrive de plus en plus souvent que le virus développe des résistances. “Nous ne pouvons nous permettre de continuer à financer une épidémie d’une telle proportion”, a avertit Linda-Gail Bekker, par ailleurs chercheuse au Desmond Tutu HIV Centre (Afrique du Sud). “Des vies risquent d’être perdues inutilement, s’inquiète-t-elle. On ne parle pas d’un simple risque de ralentissement de la lutte contre le sida : ces coupes budgétaires pourraient entraîner un vrai revirement par rapport aux progrès que nous avons faits”. En 2016, 19,1 milliards de dollars ont été réunis par des donateurs publics et privés dans le monde pour la lutte contre le sida, mais il en faudrait 26,2 pour être sûr d’atteindre en 2020 le but fixé par l’ONU.
En mémoire de Prudence Madele et de son héritage militant, mais aussi afin de dénoncer les atermoiements politiques et financiers, en Afrique du Sud et dans le monde. “Le sida n’est pas terminé, le sida n’est pas terminé !” ont scandé les militants sur scène en séance d’ouverture. C’était un moment fort. On semblait revenu aux années noires et militantes du sida. En mémoire de son amie, une activiste sud-africaine du Woman Positive Network a insisté sur le fait que “les discussions doivent cesser et les actes (re)commencer”. Tout en ayant demandé aux 6 000 participants de reprendre en cœur ses slogans comme dans une église évangéliste.
“Rien pour nous sans nous”, tel a été le credo de Giovana Rincon, figure de proue du combat pour le T de LGBT et fondatrice de l’association transgenre Acceptess-T.
“Nous pouvons gagner, mais si nous stagnons, nous allons perdre” a rappelé Michel Sidibé l’actuel président de l’ONUSISA.
Il n’y pas que le Sud qui pose souci en termes d’accès au dépistage, aux traitements de deuxième et troisième ligne et aux outils de prévention. Michel Kazatchkine, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU sur le VIH/sida en Europe de l’Est et en Asie centrale, a attiré notre attention sur “la situation extrêmement préoccupante de l’épidémie de VIH/sida en Europe de l’Est, et particulièrement chez les usagers de drogues injectables et leurs partenaires en Russie”.
Le leitmotiv associatif de la conférence de l’IAS se réduit à 2 lettres et à un signe : U = U
Indetectable = Untransmittable. Les militant(e)s présent(e)s ont rappelé qu’une personne séropositive avec une charge virale indétectable ne transmet pas le virus du sida. C’est assez incroyable que l’on doive rappeler cette réalité scientifique du TasP qui ne fait aujourd’hui plus débat… Tout en se remémorant comment les conflits interassociatifs, la frilosité des pouvoirs publics qui ont littérairement gelé, au début des années 2010, la mise en perspective des nouveaux outils de prévention, TasP comme PrEP. .
La conférence de Paris a consacré les insuffisances à afficher le premier 90 %, y compris en France, par défaut quantitatif de dépistage. Pour Jean-François Delfraissy * “la science a avancé plus vite que l’acceptabilité sociétale de la maladie. Pourquoi est-ce toujours aussi dur d’être séropositif, au point qu’on le cache, à ses amis, à sa famille, à ses collègues de bureau ? C’est un échec et c’est un obstacle au dépistage, au traitement. Cela ajoute un phénomène d’exclusion. Il faut trouver de nouvelles réponses”.
Trouver des nouvelles réponses c’est assurément le mot de la fin.